Changeants (4/X)

Publié le par Chimaera

 

Soudain un éclat intense attira son attention et il se dirigea aussitôt par là. Sur une poutre d'une maison de la place centrale, une dague profondément enfoncée retenait un bout de papier. Il tenta de déchiffrer, mais ne savait pas lire et renonça vite. Il s'agissait cependant clairement d'un avertissement de la part de ceux qui avaient pillé le village. A sa grande surprise, il remarqua des caractères gravés dans la lame.

 

Sans plus hésiter, il retira le poignard, l'observant plus attentivement. Il était de bonne facture, sans trace sur la lame, et c'étaient bel et bien des mots gravés sous la garde. Peut-être même un nom... Mel cessa de réfléchir et passa le poignard à sa ceinture, le fixant avec des gestes maladroits. Si c'était un nom, il trouverait de qui il s'agissait. Et alors... il le tuerait. Sans se retourner, fort de sa résolution, il quitta son village pour la dernière fois.

 

Cependant, le lendemain, après une nuit passée sous la pluie glacée, son bon sens avait repris le dessus sur sa folle envie de vengeance. Il s'agenouilla au bord d'un des nombreux étangs parcourant la forêt et se rinça le visage, frottant pour en faire partir la boue. Il resta un long moment au bord de l'eau, regardant son propre reflet.

 

Cela lui était arrivé de se demander si sa mère n'avait pas trompé son père tellement il lui ressemblait peu. Ses longs cheveux étaient noirs et étrangement fins, bien loin de la crinière claire et crépue du reste de la famille. De même, il avait les traits délicats, presque doux, et des yeux noirs qui pour l'instant ne reflétaient aucune émotion.

 

En fait, toute sa silhouette était élancée, réalisa-t-il soudain. Il n'en avait jamais vraiment eu conscience, mais il n'avait pas beaucoup de carrure et restait maigre alors même qu'il avait la chance de manger à peu près à sa faim. Même ses doigts ne reflétaient rien de leur force réelle, semblant incroyablement fragiles.

 

Il resta un long moment immobile, réfléchissant. Qu'était-il supposé faire ? Il était un paysan qui n'avait jamais tenu une arme de sa vie – leur possession était strictement interdite pour les serfs, alors leur usage... – et l'homme qu'il voulait tuer était certainement noble, du moins riche. Non seulement il savait se battre, mais en plus il avait certainement nombre de gardes du corps. Aucune chance de l'approcher, donc. A moins que...

 

La vision du sauvage loup noir lui revint en tête. D'un claquement de mâchoires, il avait éliminé un homme. Il avait couru des heures en forêt sans paraître fatigué à l'arrivée. Oui, le loup était puissant. Cela l'aiderait beaucoup. Mais est-ce que cela impliquait de perdre son humanité ?

 

Pourtant le vieux n'avait pas semblé cruel. Un peu froid, oui, mais ce n'était pas choquant pour un guerrier visiblement de métier. Et puis... il lui avait sauvé la vie. Il n'en avait nullement eu l'obligation, il aurait même eu plus de chances de s'en tirer seul... Un loup pouvait s'évanouir dans la nature sans la moindre difficulté.

 

Mel resta un long moment hésitant, partagé entre sa peur issue des superstitions et son souvenir du vieil homme. Puis soudain il se décida. Il allait devenir fou s'il restait sans rien faire et il n'avait strictement rien à faire. Pas de vengeance possible, sauf à prendre le risque... et il le prendrait. Il allait retrouver le loup et lui demander comment on se transformait. Son choix fait, il mit une seconde à s'orienter, puis prit la route de Saphir, coupant à travers bois pour tenter de rattraper son possible maître.

 

Le voyage se déroula sans encombres. Il savait où étaient les principaux camps de brigands et un paysan seul n'était pas une cible assez intéressante pour que les chasseurs n'interrompent leur recherche de nourriture. Il mit trois jours à rejoindre la grand-route, espérant ne pas avoir dépassé le vieux. Son estomac commençait à le faire souffrir, conséquence des baies et racines dont il s'était nourri par manque de temps pour chasser.

 

A son grand soulagement, il reconnut la cape et le chapeau noirs après à peine deux heures de cheminement. La grand-route n'était pas très fréquentée à cette période de l'année et il fut bientôt sur le point de le rattraper. Le bonhomme marchait sacrément vite, surtout pour un vieux...

 

"Sieur !" finit-il par appeler, avant de reprendre en voyant qu'il ne s'arrêtait pas. "Sieur Changeant !"

 

L'homme stoppa net et se retourna, le regard chargé d'éclairs. Mel cessa aussitôt sa progression, effrayé.

 

"Tu veux ma mort, gamin ?" siffla-t-il en le rejoignant d'un pas vif, le saisissant au col.

Publié dans Changeants

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R
<br /> Ouais franchement, tu devrais essayer de les limiter.<br /> Ce n'est pas un script pour une série !<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> J'en prends compte, j'ai supprimé tout un dialogue dans la scène que je travaille acuellement, remplacée par du narratif. J'essaierai de les réduire encore plus dans la suite du récit.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Bon, j'aime bien cette partie, on sent que l'histoire va démarrer pour de bon.<br /> Et aussi, je préfère quand il n'y a pas de dialogues écrits.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Tu crois que je devrai les limiter ? Je vais voir pour ça. La mauvaise influence des films, je suppose.<br /> <br /> <br /> <br />