Malédiction de l'abeille (7/7)

Publié le par Chimaera

Cinq minutes après, plusieurs personnes les rejoignaient en courant. Elle ne se leva pas pour les accueillir, ne les regarda même pas, flottant dans une brume étrange. C'était un effet du cerveau humain après un rituel puissant. Elle le connaissait bien et ce n'était pas gênant. Sauf peut-être quand, comme à ce moment précis, des intentions hostiles approchaient.
Elle émergeait lentement de sa catatonie et se rendit compte que Ashalen était monté sur son épaule et parlait avec eux.
– Donnez-nous son nom, alors, faisait le général.
– IL ne vous regarde pas, répondit Ashalen en croisant les bras d'un air têtu.
– Pourquoi ne répond-elle pas ? demanda Libs.
– Vous croyez qu'un rituel, c'est juste un dessin et une incantation ? Il y a un pris à payer. Elle est sous le contrecoup et de toutes façons ses cordes vocales sont déchirées. Et non, je ne vous laisserai pas l'examiner.
Il y eut un long moment de silence et elle en profita pour revenir entièrement à la réalité, ne le montrant néanmoins pas en retenant son envie d'essuyer le sang qui séchait sur son menton, ayant coulé depuis sa bouche.
– Je suis désolé, fit soudain Meyer, mais mes supérieurs ont demandé que nous l'amenions. Comprenez, nous n'y connaissons rien là-dedans, mais nous avons eu la preuve que cela pouvait nous menacer...
Il s'était avancé en parlant et Ashalen l'arrêta d'un index pointé vers lui.
– Non. Vous n'avez aucun pouvoir, elle n'a commis aucun crime qui justifierait que vous la reteniez. Elle n'est pas un objet d'études et je ne lasserai personne la toucher.
Un coup violent le fit voler en arrière et il cria de colère plus que de douleur. Une main saisit le bras de la femme rousse, mais elle releva brutalement la tête, fixant le soldat avec des yeux glacés. Il se recula avec un cri de douleur, brûlé et la main couvert de cloques. D'un geste vif, Ashalen sortit de sa tunique une petite bourse qu'il délia, puis en jeta le contenu en l'air.
– Va-t-en ! cria-t-il vers la femme rousse.
La fine poudre scintilla et ils furent soudain perdus dans un nuage de poussière multicolore. Ils se mirent à tousser en se frottant les yeux, aveuglés par les couleurs changeantes. Lorsqu'enfin tout se dissipa, la ritualiste n'était plus là. Seul restait le farfadet qui était franchement furieux.
– Elle vous sauve la mise et sauve vos citoyens et vous voulez l'enfermer dans une prison ? lança-t-il d'une voix vibrante d'indignation. Je viens de me souvenir pourquoi tous les miens évitent votre peuple ! Ingrats et traîtres !
– Attrapez-le ! hurla une voix.
Deux hommes se jetèrent sur lui, mais Ashalen les évita d'un bond puissant. Ils lui coururent après de longues minutes sans jamais parvenir à le frôler, puis soudain il disparut. Avec des cris pour s'encourager mutuellement, les soldats se dispersèrent à sa poursuite.
Dominique observa la place déserte avec une mine stupéfaite, se sentant en même temps profondément trahi. Ils n'avaient pas à agir ainsi... le farfadet et la ritualiste n'étaient venus que pour les aider. Son œil perçut soudain un mouvement et il s'accroupit devant un des buissons bordant l'église. Il y reconnut Ashalen et détourna le regard, culpabilisant.
– Je suis désolé, fit-il à mi-voix. Vous n'êtes pas parti ?
– Je vais bien moins vite que toi, humain... répondit amèrement le petit homme
– Et la poudre ?
– Je n'en ai plus. La poudre de fée est rare et précieuse. Les humains me verront dès que je sortirai du buisson.
Dominique hésita un instant, se demandant pourquoi lui le voyait, mais s'abstint de poser la question, demandant autre chose à la place
– Quand nous sommes arrivés au QG, personne ne vous a remarqué sur mon dos...
– Je peux effectivement me cacher, admit Ashalen. Ils ne m'attendaient pas à me trouver sur toi.
– SI vous montiez maintenant... ils ne vous remarqueraient pas ?
Ashalen sursauta, le regardant avec attention.
– Je suppose que non, finit-il par répondre.
– Montez, alors, proposa Dominique. Je vais vous ramener à la forêt.
Le farfadet hésita un instant, puis bondit en avant, se glissant dans son dos. Dominique se redressa aussitôt et se mit en route vers la forêt de la Nouvelle-Ferme. Une longue partie du trajet se fit en silence, puis le policier rouvrit la bouche.
– Vous pourrez la remercier ? Même si ça ne voudra sans doute rien dire pour elle après qu'ils l'aient agressée...
– Je le ferai, répondit néanmoins Ashalen, agréablement surpris.
Dominique s'enfonça dans la forêt sans hésiter, puis finit par s'arrêter sur un appel de son fardeau et s'accroupit pour le laisser descendre.
– Merci, fit gravement Ashalen.
– Merci à vous, répondit Dominique. Dites... cet homme, qui a fait le rituel, il est encore vivant ?
– Oui, répondit Ashalen en inclinant la tête sur le côté. Il n'y avait pas de corps dans la salle du rituel.
– Mais alors... il pourra recommencer ?
– Oh, pas tout de suite, il doit être épuisé. Mais oui, il pourra recommencer.
Dominique ferma les yeux. Il n'y aurait plus de ritualiste pour les aider, maintenant. Ashalen fit un petit saut joyeux, sa bonne humeur retrouvée, et exécuta un demi-tour gracieux avant de s'éloigner. Pourtant il s'immobilisa une dernière fois, lui jetant un regard par-dessus son épaule.
– Quel dommage que vos chefs n'y aient pas pensé avant de se priver définitivement de notre aide !
Et il disparut, le plantant là.

Publié dans Indépendants

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